Requiem for a Dream est un film américain de Darren Aronofsky sorti en l’an 2000, qui suit la déchéance de plusieurs protagonistes, aux prises avec l’addiction.
Le film suit Harry Goldfarb, sa mère Sara, son amoureuse Marion et son gars-sûr, Tyrone. Quatre personnes issues des cités dortoir de Brooklyn et qui poursuivent leurs rêves personnels en se démêlant avec les conséquences de leurs dépendances.
Le film est formellement très bon. C’est déjà un point à souligner. La direction d’acteurs (qui sont entre-temps devenus des « stars ») est top, la musique ultra marquante et grave (sans pathos) a fait date et c’est un euphémisme de le dire vingt ans après la sortie du film. Le scénario est d’une limpidité exemplaire (pas toujours une évidence chez ce réalisateur) et les effets de montage servent à exprimer ce que ressentent les personnages avec autant de clarté que si une voix-off nous traduisait leurs pensées. C’est vraiment évident pour Sara, qui subit la faim, l’ennui et les vicissitudes d’une vie trop exposée à la télévision à coup de montage très explicatifs.
Cependant, utiliser le film pour dresser un portrait-robot de l’usager de drogue serait dangereux et fallacieux. D’ailleurs, une zone de flou bienvenue entoure la consommation de drogue : si les scènes d’injections sont très graphiques mais peu figuratives (sauf la dernière dans un abcès violacé), aucun détail n’est donné sur la nature du produit. Nous n’avons pas encore lu le livre pour savoir si le mystère s’y dissipe, mais il est intéressant de noter qu’à part pour Sara, le ou les produit(s) consommé(s) gardent une part de mystère.
Ni un film éducatif ni un documentaire
Pour le profane, l’équation est simple : injection = héroïne. Cependant, l’héroïne étant un dépresseur, elle ne donne pas vraiment la pêche, et on ne voit pas les personnages « piquer du nez » (s’endormir). De plus, l’héroïne rétractant la pupille, la vidéo qui illustre la prise de drogue est peu juste (car on y voit une pupille qui se dilate à fond). Mais alors, peut-être de la cocaïne ? Qui est un autre produit qui s’injecte et provoque un fort fort craving. De plus la cocaïne dilate les pupilles. Mais juste après la première scène de défonce, on retrouve Tyrone et Harry dans un snack, les usagers le savent : les stimulants coupent la faim.
Bref, tout ça pour dire qu’il ne faut pas prendre Requiem for a Dream comme un film éducatif ou un documentaire. Il raconte les trajectoires très dramatiques de quatre personnages en proie aux addictions qui s’enferment tour à tour dans ses mécanismes les plus sordides. Seuls, terriblement seuls sans aucune aide extérieure, aucun secours communautaire ni aucune porte de sortie possible.
Aucune démarche de réduction des risques dans tout ça. Mais pourquoi ? Le film élude la question du matériel à usage unique, comme celui du partage de matos. Alors que vu l’époque peu de doute subsiste sur les grandes difficultés à trouver des services de santé. Le film laisse sans filet ses personnages partir en couilles. Le gentil et joli couple formé par Marion et Harry se laisse aller dans une consommation complaisante de l’autre pour mieux se reprocher d’avoir fini le produit et contraindre l’autre à l’obligation de trouver de la drogue. Les bons copains inoffensifs Tyrone et Harry s’embrigadent dans du trafic de stup alors que la place est déjà occupée par des réseaux qui n’ont pas froid aux yeux.
D’ailleurs, si on arrive à s’extraire d’une grille de lecture moralisatrice et manichéenne, on peut se rendre compte qu’aucun des personnages n’est foncièrement mauvais et que c’est les moyens qu’ils se donnent pour réaliser leurs « rêves » ainsi qu’un grand isolement qui les mènent au chaos. Dans les toutes dernières scènes, deux copines de Sara vont la voir à l’hôpital. Elles sortent et s’effondrent après l’entrevue, la scène est déchirante.