[Edit] Depuis la conduite de cet entretien, le Sniffy a été interdit le 24 juillet via un arrêté émis par la ministre de la Santé, du travail et des solidarités, Catherine Vautrin.
Bonjour, moi c’est Julia, j’ai 30 ans, je suis docteur en pharmacie, j’exerce à Marseille.
Aujourd’hui, tu as accepté de discuter avec nous après avoir croisé des publicités pour des compléments alimentaires consommables, notamment par voie nasale.
Oui en effet, ça a commencé en voyant un post Insta, puis très vite dans des stories qui s’intercalaient entre celles que je consultais parmi les comptes de mes amis. C’est là que j’ai commencé à en parler au sein de ma structure et qu’on s’est dit que c’était peut-être un peu inquiétant.
À quel niveau ?
Pour commencer, rapport au mode de consommation suggéré. Bien que cela semble être présenté comme des substances légales, il n’y a pas ou peu eu d’études menées là-dessus, donc on ne sait pas vraiment ce que cela pourrait donner à court, moyen ou long terme. Et personnellement, je trouve qu’il s’agit d’une porte d’entrée dans le mode de consommation par voie nasale qui mène l’action à être souvent répétée du fait qu’elle ne dure pas longtemps, et donc à accentuer le principe de craving.
Et j’imagine que là, en l’occurrence, c’est un produit que l’on ne trouve pas en pharmacie ?
Alors non pas du tout. D’autant plus qu’à part les sprays, les produits par voie nasale ne sont pas un mode de consommation que l’on propose dans nos structures. Donc ce sont des produits vendus comme compléments alimentaires, mais vendus en superettes ou parfois en bureau de tabac.
Oui, et sur Internet aussi. Mais quand on regarde sur les emballages, ça serait visiblement préconisé pour le sport, la concentration, ou encore en milieux festifs, donc j’imaginais plutôt que cela soit prescrit par un professionnel de santé. Je crois que tu voulais nous parler très rapidement de pharmacocinétique ?
Oui, pour faire simple, la pharmacocinétique, c’est l’étude du devenir d’une substance, en l’occurrence en pharmacie, d’un médicament dans l’organisme. Et on regarde à partir du moment de son absorption, comment il va travailler sur le métabolisme puis comment il va être éliminé. Et là, via des voies comme celles-ci, ça va arriver très vite, avoir un effet très fort mais qui va disparaître tout aussi vite. Et c’est là, du coup, qu’on va commencer à développer ce fameux effet de craving, et donc à rapprocher de plus en plus ses prises.
Au niveau législation, on est comment actuellement ?
C’est pas super clair, la réglementation n’est pas super claire, il y a un vide juridique. Il faut qu’il y ait un objectif fixé par rapport au produit, qu’il ne soit pas dangereux et qu’il ait une forme galénique présente. Là, par exemple, il faudrait que ce soit présenté sous forme de doses précises, que ce soit un comprimé, ou une gélule. Mais on parle d’un produit vendu avec une paille, ce qui sous-entend qu’il n’y a pas d’études d’efficacité ni de sécurité. Donc ce vide juridique fait qu’on le passe avec les mêmes conditions qu’une tomate par exemple.
Les différentes marques que l’on a pu voir passer sous-entendent de ne pas dépasser les deux grammes par jour, c’est bien ça ?
Oui, ce qui veut tout et rien dire, encore une fois du fait du manque d’études. Et si ça doit se rapporter ou se substituer à de la consommation de produits, encore une fois, cela dépend de chacun car personne n’est égal face aux drogues ni aux « compléments ». Chacun sa propre tolérance et accoutumance. Ce qui est dangereux par exemple avec la guarana, comme avec tout médicament, c’est qu’on va y aller de plus en plus fort sur les doses et comme pour la caféine, au niveau activité cardiaque, c’est vraiment pas ouf. Boire le café de trop et tachycarder, c’est la même chose finalement. Sans oublier les composants sucrés pour arrondir les principes d’addiction et revenir sur sa conso.
Tu nous parlais de substitution ?
Oui. Dans l’idée, les produits de substitution sont une bonne chose, mais quand c’est contrôlé et accompagné par des professionnels de santé. En l’occurrence, les personnes qui auraient dans l’idée de se sevrer vont passer par des commerces qui ne font pas partie du système de santé et qui n’auront donc aucun contrôle sur les quantités, la qualité ou même les contextes de consommation. Sans parler du fait que malgré ladite interdiction de vente aux mineurs, le peu de cadre autour de la vente va leur permettre d’avoir un premier pied dans la consommation, avec une banalisation qui n’est pas à prendre à la légère. Pour tout dire, j’ai deux sons de cloches, le premier étant « olala, un substitut de cocaïne, mais où va la France ? », ou au contraire que cela pouvait être un bon accompagnement vers la démocratisation. Mais dans tous les cas, le vrai problème reste le manque de cadre et d’accompagnement par de vrais professionnels de santé. Et l’accessibilité aura le même résultat que pour l’alcool ou le tabac au niveau de la banalisation, et donc du peu de demande du public pour en réduire les risques. Moi, encore une fois, ce qui me questionne, c’est le mode de consommation suggéré. Personnellement, je connais dans mon entourage beaucoup plus de gens addicts au geste de prendre une trace qu’à un produit en lui-même.
Merci beaucoup de nous avoir accordé ce temps. Un mot de la fin ?
Prenez soin de vous et n’hésitez pas à demander à des professionnels de santé pour tout type de consommation qui vous questionne.
Pour un sniff + safe, veille à utiliser une paille à usage unique, on te laisse regarder la vidéo sur le roule-ta-paille !