On a demandé à Thibault (psychologue et tabacologue qui travaille en Csapa à Marseille) quels étaient ces 5 meilleurs outils pour aider à arrêter la cigarette. Sans attendre, retrouvez ses réponses ici.
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La substitution 😶🌫️
Le premier outil évoqué par Thibault, c’est la substitution. Le fameux patch transdermique (il délivre la nicotine par contact avec la peau) ou bien encore les formes orales telles que les gommes à mâcher, les pastilles, sprays buccaux. On vous avait fait une vidéo pour vous apprendre à bien doser votre substitut nicotiné.
À propos des produits de substitution, Thibault nous explique qu’il y a une différence notable entre les patchs et les formes orales. En effet, alors que les patchs délivrent la nicotine de façon linéaire avec un grammage par heure sur une plage d’heures définies (par exemple 21 grammes sur 24 heures), les formes orales délivrent la nicotine à l’instant T (par exemple, pour satisfaire l’envie passagère d’une cigarette – après un coup de fil stressant, au réveil, après le repas etc.).
La tabacologue insiste sur la complémentarité de ces deux formes qui s’utilisent conjointement pour pouvoir éteindre l’envie d’en griller une (qui est provoquée par l’envie de nicotine).
Enfin, la substitution est désormais 100% prise en charge par l’Assurance maladie et donc remboursée. Pour ce faire, il suffit d’avoir une ordonnance d’un médecin (ou d’un infirmier !).
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La cigarette électronique 🤖
La cigarette électronique est pour Thibault le moyen idéal pour encourager les fumeurs et fumeuses à arrêter de fumer dans le PLAISIR. Il revient sur cette « unpopular opinion » qui consiste à dire que l’arrêt du tabac ne doit pas être un chemin de croix ! C’est une déclinaison des formes orales qui va délivrer des shots de nicotine dans l’instant.
C’est un outil qui possède une dimension comportementale très intéressante dans laquelle le geste est préservé dans une certaine mesure.
La manière dont il l’utilise avec ses patients consiste à faire glisser la consommation de tabac fumé vers celle de liquide nicotiné glycériné au goût et au dosage préféré / le plus adapté. Une fois que la personne déclare prendre autant de plaisir (ou +) à vapoter qu’à fumer, on peut considérer que le plus gros du travail est fait. Même si le lien entre maladies et cancer et cigarette électronique n’est pas formellement établi, il semble que la moindre dangerosité de la cigarette électronique par rapport au tabac à fumer en fasse un vrai outil de réduction des risques.
« Le risque de cancer associé à l’utilisation à long terme des vapoteuses semble bien moindre que celui des cigarettes de tabac combustible, mais non nul par rapport à ne pas utiliser de vapoteuses.
Des données complémentaires sont nécessaires pour préciser les risques de cancers, en particulier provenant de cohorte de vapoteurs exclusifs n’ayant jamais fumé.
La présence de formaldéhydes (classés cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer), de constituants potentiellement mutagènes (humectants et aromatisants) et cytotoxiques, pourrait influer sur le risque de cancer, notamment en cas d’utilisation prolongée des vapoteuses. Il s’agirait en particulier des cancers nasopharyngés, des sinus et des voies respiratoires hautes, sites où la concentration de formaldéhydes est la plus importante (Franco, 2016, Welz, 2016, Yu, 2016 ; Groupe OncoAddiction Unicancer, 2022).
Concernant les autres cancers, il n’existe pas de données évaluant le risque. Il reste à déterminer si les niveaux d’exposition sont suffisamment élevés pour contribuer à cette cancérogenèse. » Dixit le site Cancer-environnement.
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Le contrôle du stimulus 🥵
Ici, on parle carrément de thérapies cognitives et comportementales. Qu’est-ce que c’est, le contrôle du stimulus ? Les stimuli (qu’ils soient internes ou externes), ce sont toutes ces choses qui vont déclencher l’envie de fumer. C’est donc la sommes d’habitudes de consommation et de déclencheurs de l’envie de fumer. Cela peut être un appel stressant, la fin d’un repas, l’urgence d’une pause clope, boire une bière, boire un café, le réveil, une émotion forte, une angoisse, etc. Ces habitudes sont pour certaines répétées plusieurs fois par jour pendant plusieurs années.
Ce sont des associations apprises. C’est pas inné, le tabac, mais on l’a construit parce que finalement, le comportement tabagique, on l’a répété 5, 10, 15 fois par jour pendant des années ! C’est donc des liens qui sont très forts. Quand se présente un stimulus, ça déclenche l’envie de fumer et on y répond par le tabagisme parce que ça soulage l’envie. Donc, c’est soulageant.
Comment contrôler le stimulus ? Eh bien, quand on veut arrêter de fumer, en tout cas au début, c’est se dire « je vais peut–être éviter tout ce qui me donne envie de fumer ».
Par exemple :
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- Si j’ai vachement l’habitude de fumer une clope avec mon premier café du matin, c’est se dire « soit j’évite le café, soit je substitue » (un verre de thé, du lait, un verre d’eau).
- Si j’ai l’habitude de fumer ma cigarette en prenant mon petit dej dans la cuisine, eh bien je vais peut–être prendre mon petit dej ailleurs, pour voir.
Le contrôle du stimulus, c’est d’essayer d’apporter des réponses différentes à ces stimulus ou de les éviter. Mais ce ne serait pas tenable sur le long terme puisque dans l’arrêt du tabac, l’objectif est de ne plus avoir envie de fumer pour ne plus fumer pour de bon. C’est pour ça qu’il y a le quatrième outil…
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L’exposition 🫣
L’exposition, c’est un peu le principe base en thérapie cognitive et comportementale. C’est ce qu’on utilise dans plein de pathologies, notamment les phobies.
La théorie dit qu’un stimulus provoque un comportement, par association. Ce comportement va être renforcé par les conséquences (fumer, par exemple, qui délivre un shot de dopamine). Le but, c’est de s’exposer à ce stimulus sans provoquer le comportement. Car un comportement qui n’est plus renforcé finit par s’éteindre naturellement.
C’est un peu comme le chien de Pavlov. Si on sonne la clochette des dizaines de fois sans présenter de nourriture au chien, celui-ci arrêtera de saliver. Le fumeur est un peu comme le chien de Pavlov : s’il boit son café du matin et qu’il ne fume pas, à la longue, le cerveau va arrêter d’associer le café à une cigarette.
L’idée, c’est donc, si on se le sent, de s’exposer petit à petit à des situations dans lesquelles on aurait fumé mais sans le faire. Réussir finalement à reprendre le contrôle. Paraît-il que ça devient de plus en plus facile !
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Le plaisir 🤤
Ce cinquième outil n’est encore une fois pas matériel, mais c’est le préféré de notre intervenant. Thibault le psychologue est formel : le plaisir est le meilleur moyen d’arrêter de fumer. « Dès qu’on essaie d’arrêter de fumer par contrainte, dès qu’on galère, on n’arrive pas à arrêter de fumer ! », nous dit-il. Il faut réussir à trouver une méthode qui nous fasse plaisir mais surtout, prendre du plaisir dans l’arrêt du tabac.
On arrête de fumer pour retrouver un bénéfice : retrouver le goût, l’odorat, ne plus puer, ne plus avoir une haleine de chacal, économiser de l’argent, rester en bonne santé… Il faut capitaliser sur les bénéfices qu’on en retire et fabriquer du plaisir avec.
Tu dépensais 15 balles dans un paquet tous les jours depuis 20 ans ? Eh bien, tu feras des économies plus tard : ces prochains mois, tu investiras cet argent dans un plaisir quotidien. Un repas dans un resto, des fleurs, un gâteau à la boulangerie, un livre, une séance de cinéma, etc. En fait, il s’agit là de renforcer un comportement qu’on veut se mettre dans le crâne. Ne pas fumer = se faire plaisir. Récompenser ce comportement pour asseoir l’arrêt du tabac.
Voilà ! On espère que ce petit entretien avec notre tabacologue préféré vous aura été utile !
Si vous réussissez à arrêter : bravo !
Si vous essayez d’arrêter : courage !
Si vous n’avez pas tenu : ne désespérez pas !
Et si vous n’arrêtez pas pour vous, faites le pour les autres ; le tabagisme passif nuit à la santé de votre entourage et de vos animaux de compagnie.
Bonus :