Poudre, noir et blanc, TCA, santé mentale, anorexie mentale
©️ Photo de Colin Lloyd pour Unsplash

Témoignage | J’ai commencé à consommer de la C. toute seule pour me couper la faim

Publié le 21 mai 2025 par X

/

Cet article parle de : #addiction #sante-mentale #sexualite #temoignage

TRIGGER WARNING : violences physiques et sexuelles, an0rexie, suicide.

Aujourd’hui, X nous livre son témoignage sur ses problèmes d’an0rexie mentale et de troubles du comportement alimentaire. Entre jugements, injonctions familiales et sociétales, violences subies et haine de soi. Avec les consos en toile de fond, pour maigrir, pour tenir, pour survivre. Et progressivement, l’acceptation, le retour à une vision plus positive et bienveillante de soi. Merci de votre confiance, à chaque instant. 


Je suis une femme de 30 ans et autant que je m’en souvienne, j’ai toujours été concernée ou du moins exposée aux TCA (troubles du comportement alimentaire, ndlr).

C’est devenu une obsession

Ça commence très tôt je crois. Il y a l’école, les enfants qui se critiquent entre eux, les regards, l’influence des parents qui ont une notion bien à eux des standards de beauté, les moqueries, et celleux qui sont catégorisé.es « gros.ses » qu’on raille et qu’on n’épargne pas face à ceux qui sont minces et qui sont toujours plus « belles » et « beaux ».

Alors très tôt, ces préconçus ont créé de l’angoisse. J’étais dès l’enfance une bonne mangeuse, et j’ai vite essuyé des réflexions et des surnoms dévalorisants sur ce bel appétit.

Je recontextualise, j’ai une morphologie qu’on pourrait qualifier de « normale », mais visiblement, c’était déjà trop. Ma mère était particulièrement acerbe à ce sujet. Elle-même ayant grandi dans les années apologie de la maigreur, dans lesquelles nous sommes encore ne nous y trompons pas, elle critiquait à tour de bras les personnes grosses que nous croisions où que ce soit, elle les représentait sans cesse comme des objets de moqueries, totalement déshumanisés, dégoûtants, sales, paresseux. Elle me comparait beaucoup à ma sœur pour me rabaisser, plus mince et menue, et ça me blessait beaucoup. 

À l’adolescence, mes idoles de jeunesse étaient toutes minces et j’inondais mes murs de photos de mannequins, avec l’envie secrète de leur ressembler. C’est devenu une obsession.

J’ai commencé à me faire vomir

Le rapport au corps dans ma famille, c’est quelque chose. On est critiqués, mais aussi violentés. Mon père n’y allait pas de main morte sur les coups. Ça criait et ça cognait beaucoup à la maison. Dans la foulée, j’ai commencé à être victime d’abus sexuels par un membre de ma famille. Ça a duré des années, des années de silence aussi.

J’avais le sentiment de n’avoir aucun contrôle sur ce corps que j’ai commencé à détester encore plus. D’avoir un énorme secret à garder, d’être responsable de quelque chose. Un jour, je me suis mise en maillot de bain en famille, ce qui était déjà une épreuve difficile pour moi. L’occasion pour ma mère de me regarder de haut en bas et de me faire encore des remarques désobligeantes. J’ai commencé à me faire vomir. J’avais 13 ans.

À la puberté qui est arrivée un peu tardivement, j’ai hérité d’une grosse paire de seins, et de tous les regards malsains et les attouchements qui vont avec. Soudainement, j’ai été classée dans la catégorie des vulgaires, des sexualisées jeunes même par les vieux dans l’espace public. J’étais devenue une catégorie porno sans m’en rendre compte. Mon rapport au corps, déjà conditionné par tout le fatras familial, en a encore pris un coup encore.

J’étais tombée dans la boucle infernale

J’ai commencé ma vie sexuelle pseudo-consentie et j’ai encore rencontré les agressions, les cœurs brisés, la peur de l’abandon, la sexualisation de mon corps que je pensais être ma seule ressource, le slut-shaming. Je crois que c’est à ce moment-là que ça a dérapé pour de bon. D’une mauvaise image de moi je suis passée à une haine profonde. J’ai commencé par des régimes stricts. Puis j’ai carrément arrêté de m’alimenter, ça durait des semaines entières à ne boire que du thé et à manger une pomme si je sentais l’évanouissement arriver. Chaque « craquage » me mettait dans une culpabilité violente. Je vomissais à nouveau. J’avais une amie d’enfance qui était chez moi quelques semaines parci parlà et qui elle aussi avait des problèmes d’anorexie. On s’est encouragées ensemble à ne rien manger. Et quand elle est partie, j’ai continué. C’était devenu un défi, un kiff, je me voyais maigrir à vue d’œil et ma mère me complimentait, elle disait que j’étais beaucoup plus belle. Mais ça ne me suffisait jamais et j’étais tombée dans la boucle infernale. Je ne dormais plus tellement j’avais faim, je faisais des allers retours quotidiens chez moi plusieurs fois par jour pour changer de vêtements car malgré tout je me sentais mal dans mes sapes.

Personne ne comprenait que j’étais malade

Mon entourage, notamment la personne avec qui je relationais à l’époque, voyait ma perte de poids d’un très mauvais œil, de type malveillant, sans comprendre la détresse mentale dans laquelle je me trouvais. Ça allait de je tente de te forcer à manger à « j’ai pas envie de baiser un cadavre ». On s’autorisait facilement à me parler de ma perte de poids, au début ça me faisait plaisir. Puis quand tout le monde s’est permis des commentaires et des reproches, je me suis sentie isolée. Le problème des réflexions, c’est que même si elles ne sont pas toutes destinées à dévaloriser, qu’elles peuvent même être teintées d’inquiétude ou au contraire de flatteries, elles restent malvenues. Parce que c’est l’affaire de professionnels de santé, tout simplement. Personne ne comprenait que j’étais malade, en fait.

Je ne faisais concrètement plus grand chose, tout était centré autour de ma nonalimentation. J’ai trouvé une addiction toute simple pour aller dans le sens de mon anorexie mentale. J’ai commencé à consommer de la cocaïne toute seule pour me couper la faim. Je buvais des cafés, je consommais, je buvais des cafés, je consommais, je maigrissais. Et c’est tout. Mais j’avais l’impression de contrôler quelque chose. J’avais atteint un poids extrêmement faible. On passe d’autres caps, on vole, on ment, on se cache, on trouve des thunes comme on peut et pas toujours de manière très ouf, quitte à se mettre en danger.

L’addiction m’a totalement dépassée

J’ai voulu inconsciemment glamouriser cette tourmente en y ajoutant un cadre festif, je consommais toujours beaucoup même plus, je dansais toute la nuit, ça me donnait l’illusion de faire du sport, ça me donnait l’occase d’habiller ma maigreur, de me sentir fraîche dans des clubs sombres où personne ne pense à manger. Lâcher prise, me sentir légitime, m’en foutre, trauma dump à des inconnus, reprendre de la cons, m’en foutre à nouveau, rentrer avec n’importe qui, on se reverra jamais de toute façon. M’en foutre encore. Ne jamais voir à long terme. Et puis après 3 jours de teuf sans m’alimenter, je culpabilisais moins si je mangeais un petit quelque chose. Et l’addiction m’a totalement dépassée, fête ou pas fête, c’était en permanence. Je sortais de la coke pour une soirée pyjama, et je tapais dès le réveil sans occasion particulière. Je mettais de la MDMA dans mes cafés, je mangeais des taz le midi, j’étais perchée sans cesse et mes descentes étaient de plus en plus cruelles, je n’arrivais plus à dormir et j’étais rongée par l’anxiété, je pleurais beaucoup, je priais pour que ça s’arrête, j’avais des pulsions suicidaires, je me mutilais. Je me raccrochais au poids que j’avais perdu, en me pesant 10 fois par jour, en admirant mes clavicules décharnées.

J’ai appris à me comprendre

Et puis un jour, j’ai subi un gros choc émotionnel et j’ai fini par consulter. Dans le cadre de la thérapie, j’ai pu aborder mes problèmes d’anorexie, de mes consos, de ma confiance en moi, des violences physiques et sexuelles que j’avais subies, de mon inceste, des attentes de mes parents, de ce que je détestais en moi. J’ai beaucoup parlé, j’ai appris à me comprendre, à être indulgente avec moi-même, à comprendre mes réactions, à résister à la culpabilisation, à m’appréhender avec plus de douceur.

J’ai eu la chance d’avoir à mes côtés des amis qui m’ont soutenue dans toutes ces passes, sans jugement et qui le sont encore, ça a constitué une de mes plus grandes forces. J’ai repris plaisir à cuisiner, à manger, à faire des repas collectifs une fête qu’on partage et qu’on apprécie et pas un moment où l’on se planque. Petit à petit, j’ai diminué les consos, plus ou moins selon les périodes, j’ai fait du tri dans mes amis, j’ai accepté que j’avais merdé a plein de niveaux, j’ai privilégié les relations amoureuses saines, j’ai pris goût à faire plein d’autres choses. J’étouffais moins. Ça a été l’affaire de presque dix années.

Aujourd’hui, je dirais que je suis plutôt stabilisée, quand je me sens mal dans mon corps, je privilégie de manger équilibré plutôt que de m’affamer, j’ai arrêté la fume parce que ça me donne d’énormes crises de boulimie. Si je décide de prendre des prods c’est par plaisir et bien entourée. J’essaye de politiser le pourquoi du comment on fait autant de mal à nos propres corps pour quelques kilos, pour le regard des autres, et pour le regard que l’on a de nous encore plus quand on est une meuf, encore plus avec ce qu’on subit. Tout est conditionné pour qu’on se déteste.

J’ai gagné en bonheur et en stabilité

Je dois toujours rester vigilante. Le problème des TCA, c’est qu’ils vous guettent toujours quelque part. Je crains toujours de rechuter. Dès que je vais avoir mes règles et que mon corps gonfle, si j’ai eu une gastro et que j’ai perdu 3 kilos en 2 jours pour cause de diète, si j’ai fait la teuf avec des stimulants 48h et que j’ai fait l’impasse sur la bouffe. Chaque changement corporel est une menace, c’est comme une épée de Damoclès qui plane. Et en fait, ça ne vaut pas le coup. Quand je regarde ma vie maintenant, même avec des kilos en plus, je vois tout ce que j’ai gagné depuis en stabilité et en bonheur, et je repense en frissonnant à ces années où je me suis accrochée à mes os apparents comme à la seule chose dont j’étais capable.

Alors qu’en plus, je sais faire plein de trucs cools.

Merci de m’avoir lue.

Les témoignages publiés sur KEPS et ses différents réseaux sociaux sont issus de notre communauté. Ils peuvent nous être envoyés par email, en messagerie privée, ou racontés de vive voix (et enregistrés puis retranscrits), ils sont le récit d’une expérience toujours subjective. Il convient de les prendre tels qu’ils sont : un morceau de la réalité d’une personne. La plus grande bienveillance est de mise et les propos tenus ici ne reflètent pas une position de Kepsmag ou de l’association Bus 31/32.

📞 Envie de réponses ou simplement d’être écouté·e ? 3615 KEPS ce sont les rendez-vous qu’on te propose le mercredi et jeudi de 14h à 17h. Envoie-nous un message, on est là pour toi.

As-tu aimé cet article ?

Ces articles pourraient aussi t'intéresser